LE CHRS ASLORAL DE REGAIN-54 HÉBERGE DEPUIS DES DÉCENNIES
DES PERSONNES SORTANTS DE DÉTENTION.
LA RÉCENTE MISE EN PLACE D’UNE «ANTENNE AVANCÉE EN ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE SUR LE DÉPARTEMENT 54 », PERMET DE MIEUX PRÉPARER LES SORTIES DES PERSONNES DÉTENUES.
Nous avons rencontré Sébastien VATOT de REGAIN-54, Chef de Service du CHRS ASLORAL et du CHRS Libération accompagné de Gwenaëlle, travailleuse sociale à l’ASLORAL depuis 2011 et mise à disposition sur le projet DIHAL, Antenne avancée du SIAO-54 en établissement pénitentiaire depuis 2014.
Ils ont d’abord évoqué le travail effectué dans le cadre de l’ASLORAL, CHRS accueillant des personnes après leur sortie d’incarcération dans une petite structure. Cet hébergement a un agrément est de 21 places, soit 11 en collectif, 10 en éclaté d’un côté et d’autre part 4 de « stabilisation ». L’accueil collectif s’effectue dans une maison de ville avec un grand jardin qui en souligne le caractère «familial». Tout le monde se connaît et apprécie l’accueil réservé à chacun. La maison est constituée de 9 chambres, une cuisine, une salle à manger. Le jardin clos, outre le plaisir d’être au grand air, permet des activités potagères, de plantation de fleurs ou d’arbustes…et des barbecues.
L’objectif de la structure est d’assurer au mieux la transition dedans/dehors, qui ne va pas de soi, en particulier pour les personnes qui ont effectué de longues peines de détention. Celles-ci entrainent d’importantes pertes de repères concernant la vie quotidienne : valeur de l’argent (euro !), évolution technologiques (téléphones portables), oubli de gestes quotidiens comme éteindre la lumière, gérer ses propres clés avec la peur constante de les perdre... Plus grave encore, une réelle peur des gens peut s’installer. L’absence de droits à la sortie de détention (pas de CNI, pas de RSA par exemple…) est particulièrement pénalisante et nécessite environ deux mois pour les récupérer. Le but de l’association est d’éviter les ruptures à la sortie de prison, diminuer l’angoisse lors de la libération et de ses suites, engager les soins indispensables, commencer à traiter les addictions fréquentes en lien avec le CSAPA (Maison des Addictions). Un partenariat est établi avec des médecins libéraux et des infirmiers pour les soins et la gestion de la prise de médicaments. Près de 10% des sortants de détention relèvent d’une injonction de soins.
L’action du CHRS ASLORAL avec ses travailleurs sociaux est d’aider les personnes à retrouver leur autonomie dans un nouveau cadre, celui de l’univers extérieur. En particulier, aider à trouver une solution de logement en lien avec les capacités individuelles. Ces actions nécessitent du temps pour permettre aux personnes accueillies de construire un projet.
La durée de prise en charge moyenne est de 8 mois, l’âge du public accueilli n’est pas homogène en raison de l’impact des lourdes peines.
Un travail plus en amont est également engagé avec 2 places dites de «permission» permettant d’accueillir pour quelques jours des personnes incarcérées permissionnaires. En effet, des autorisations de sortie, peuvent être délivrées aux personnes détenues dès qu’elles ont effectué les 2/3 de leur peine. Cela leur donne la possibilité de venir dans la structure ASLORAL pour préparer leur future sortie. Ces permissions peuvent être renouvelées tous les 3 mois, sur plusieurs années. Ce dispositif permet de préparer la sortie, les différentes démarches administratives, de construire des repères, de se familiariser avec les travailleurs sociaux et de mieux identifier leur rôle. C’est l’occasion également d’un travail des permissionnaires avec leurs futurs pairs, hébergés dans la structure pour mieux se projeter dans leur propre avenir.
L’association ASLORAL mise en place dans les années 60, a toujours été dotée d’un CA très engagé, ses membres ayant une bonne connaissance professionnelle du travail social en détention, des réseaux en amont : JAP (Juge d’Application des Peines), SPIP*(voir ci-dessous) ou en aval comme les différents CHRS. La taille de cette petite structure a permis un lien privilégié entre administrateurs présents fréquemment sur le terrain en lien avec l’équipe des travailleurs sociaux. Cette association a fusionné avec deux autres pour donner naissance à REGAIN-54.
LA MISE EN PLACE D’UNE ANTENNE AVANCÉE EN ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE SUR LE DÉPARTEMENT 54, PERMET DE MIEUX PRÉPARER LES SORTIES DES PERSONNES DÉTENUES
Ce travail beaucoup plus en amont vise à anticiper la prise en charge des personnes détenues qui en ont le plus besoin : hébergement, logement, soins, insertion sociale en lien avec les partenaires indispensables.
L’expérimentation d’Antenne Avancée en Établissement Pénitentiaire, projet porté par le CHRS ASLORAL de REGAIN-54, soutenue et financée par la DIHAL (Délégation Interministérielle à l’Hébergement et à l’Accès au Logement) et la DDCS, est menée en partenariat avec le SIAO 54 et le SPIP 54. Mise en place en réponse à un appel à projet de la DIHAL pour intervenir le plus en amont possible de la sortie de détention et mieux préparer celle-ci, elle vise à éviter les ruptures d’hébergement/logement à la libération. En effet, ce moment risque de fragiliser les personnes, d’augmenter le risque de récidive et aussi le risque d’errance, tout cela souvent accompagné de problèmes médico-socio-judiciaires complexes : injonctions de soins, pathologies psychiatriques lourdes.
La mise en place de ce projet par REGAIN-54 a été possible en mettant à profit toute l’expérience de travail social accumulée avec les personnes sortant de détention dans le cadre de l’ASLORAL. Il a été validé d’abord pour un an sur l’année 2014 avec les moyens d’un ½ poste de travailleur social accompagné d’un budget de 30 000 € (DIHAL & DDCS). Cette expérience a su prouver son intérêt puisque elle a été reconduite pour un an en 2015 avec des moyens doublés. Une extension de celle-ci paraît par la suite envisageable dans d’autres départements.
Les objectifs de cette expérimentation.
L’action menée dans ce cadre s’organise 6 mois à 1 an avant la sortie effective de détention. Elle permet de mieux prendre en compte les problèmes de santé notamment psychiatriques, dont on connait bien le poids en prison. Des injonctions de soins sont prises par les JAP (Juges d’Application des Peines). Intervenir ainsi très en amont permet de diminuer l’angoisse des personnes lors de leur libération et les ruptures brutales : éviter de se retrouver à la sortie de prison avec ses sacs en se demandant où aller.
Le contexte pénitentiaire du département 54 en matière de détention.
Avec les centres de détention de TOUL et d’ÉCROUVES, l’Établissement de MAXÉVILLE, l’UHSI (Unité Hospitalière Sécurisée Interrégionale) de Nancy, le département de Meurthe et Moselle se classe comme l’un des plus importants de France pour les effectifs de détenus. C’est un public essentiellement d’hommes, les femmes représentant seulement 3% des effectifs en détention. Sur un nombre de sorties annuelles d’environ 2000 personnes, environ 200 sollicitent le dispositif pour une prise en charge en hébergement, au rythme d’une quinzaine par mois. Ce nombre est en augmentation.
Constats sur les diverses problématiques rencontrées lors de l’accompagnement.
La grande majorité des personnes accompagnées par le projet est particulièrement vulnérable : analphabétisme, illettrisme, faible niveau d’études, emploi précaire, longues périodes d’inactivité, pauvreté, avec des circonstances particulières telles que carences ou maltraitances durant l’enfance, ruptures de vies successives, pertes de proches, pertes de logement… Des fragilités psychologiques ou physiques : traits de personnalité, dépendance à l’alcool, toxicomanies, problèmes de santé… Une réponse positive en terme d’hébergement/logement constitue une base pour permettre d’accéder progressivement à une plus grande autonomie.
Les profils de détenus sont bien différents. Il existe une spécificité du «profil jeune». Ils représentent 20% des détenus, avec des peines courtes (environ 6 mois), une faible insertion, des histoires de vie difficile, un manque de repères et de maturité. Ils ont besoin d’être hébergés et accompagnés pour éviter les récidives et traiter les addictions.
Autre spécificité, celle des personnes de plus de 45 ans sortant de longues peines (parfois plus de 20 ans), qui représentent 20% des effectifs, et 6% pour les plus de 66 ans. Ces personnes ont besoin d’un véritable sas de décompression à la sortie de détention, pour pouvoir ensuite se reconnecter à la vie quotidienne.
Des personnes présentent des profils plus complexes : cumuls de peines de détention, longues périodes d’incarcération sans inscription dans un projet d’aménagement de peine, passages institutionnels multiples avec fin de prise en charge, non inscription dans une démarche de soins. Tous ces facteurs obligent à individualiser la prise en charge et à travailler de nouvelles formes d’orientation et d’accompagnement répondant au mieux à la singularité et au vécu de chacun.
La méthodologie de travail et le réseau de partenaires
L’élaboration des projets se construit à travers des entretiens menés en établissement pénitentiaires avec les futurs sortants de détention demandeurs. Ainsi 124 entretiens se sont déroulés de mai à mi-décembre 2014 pour 71 personnes à fin d’établir un diagnostic social et construire un projet d’hébergement/logement anticipant leur sortie de détention. Lors des entretiens, il est primordial de «renvoyer» à la personne ses points de fragilité et son potentiel pour lui permettre de se confronter au principe de réalité et de construire en même temps un espace de de parole et de confiance, pour favoriser la construction d’une dynamique positive.
L’antenne avancée s’appuie sur les partenaires du SPIP et l’utilisation de l’outil des permissions de sortie accompagnées ou non, pour permettre une reprise de contact avec le monde ordinaire et /ou des rendez-vous de préadmission dans des structures d’accueil.
Pour poursuivre cet accompagnement et qu’il s’effectue avec le minimum de ruptures possibles, l’antenne avancée est en collaboration étroite avec de nombreux partenaires :
- les différents Services d’Accueil et d’Orientation du département, le SIAO 54, les différents CHRS Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale, le dispositif DUO du Grand Sauvoy, les résidences sociales ADOMA, AGAFAB, les bailleurs sociaux (Les réponses sont adaptées le plus finement possible au profil des sortants en jouant sur la spécificité des structures d’accueil, d’hébergement ou de logement),
- le champ médical avec le CPN, les CMP, la Maison des Addictions, médecins et infirmiers libéraux,
- le champ judiciaire le SPIP 54, les JAP, l’association ANNE accueillant des personnes en placement extérieur, PJJ, UDAF 54 (protection des majeurs),
- l’accès aux droits : CAF, Pôle Emploi, CRAM.
L’Antenne avancée constate que pour travailler un projet d’hébergement/logement cohérent avec l’ensemble de ces acteurs, celui-ci doit être entrepris le plus en amont possible, à fin de baliser et organiser au mieux la libération des personnes, puis leur inscription dans une démarche d’accompagnement.
Conclusion : L’ASLORAL et REGAIN-54 ont acquis une grande expérience dans l’accueil et l’hébergement des personnes sortant de détention, elle ne fait que se confirmer avec l’Antenne avancée du SIAO-54 en établissement pénitentiaire. Le nombre des demandes et sollicitations est en constante augmentation. D’autres départements suivent avec beaucoup d’intérêt cette expérimentation. Ces éléments montrent sans aucun doute la grande utilité de ce travail et l’engagement des personnels portés par les valeurs humanistes de l’association. Bravo à l’équipe dynamique engagée sur ces actions !
Pierre BRUNE
Administrateur